Depuis sa défaite à l’élection présidentielle de 2022 et son départ du pouvoir, Jair Bolsonaro, l’ancien président du Brésil, n’a jamais vraiment quitté le devant de la scène. Figure clivante et toujours immensément populaire auprès d’une partie de la population, il mène une bataille acharnée pour maintenir son influence politique et préparer un éventuel retour. Mais cette bataille se joue de plus en plus sur un terrain qu’il maîtrise mal : celui des tribunaux.
Déjà déclaré inéligible jusqu’en 2030, l’ancien capitaine de l’armée est cerné par une myriade d’affaires judiciaires : soupçons de détournement de bijoux offerts par des dignitaires étrangers, falsification de certificats de vaccination, gestion calamiteuse de la pandémie de Covid-19… Pourtant, parmi toutes ces enquêtes, il en est une qui, par sa nature et ses récentes révélations, pourrait non seulement anéantir définitivement son avenir politique, mais aussi menacer sa liberté personnelle.
Il s’agit du scandale de la tentative de coup d’État. Ce que l’on croyait être des soupçons est en train de se transformer en un dossier d’accusation solide, grâce à un témoignage explosif qui a fuité dans la presse. Ce nouveau développement n’est pas juste une polémique de plus. C’est le scandale qui pourrait absolument tout changer pour Jair Bolsonaro et pour l’avenir de la droite brésilienne.
Un ancien président dans la tourmente judiciaire : un bref rappel

Pour comprendre l’impact de ce nouveau scandale, il faut se souvenir du climat post-électoral de 2022. Pendant des mois, Jair Bolsonaro a semé le doute sur la fiabilité des urnes électroniques brésiliennes, sans jamais fournir de preuves. Après sa défaite serrée face à Luiz Inácio Lula da Silva, il a refusé de reconnaître explicitement le résultat, alimentant la colère de ses partisans les plus radicaux.
Cette tension a atteint son paroxysme le 8 janvier 2023. Une semaine après l’investiture de Lula, des milliers de “bolsonaristes” ont envahi et saccagé les sièges des trois pouvoirs à Brasília : le Congrès, le palais présidentiel et la Cour suprême. Les images, rappelant l’assaut du Capitole américain, ont choqué le monde entier et déclenché une réponse judiciaire implacable.
La Cour suprême fédérale (STF), la plus haute instance judiciaire du pays, a ouvert une enquête tentaculaire pour identifier les responsables, les financiers et les instigateurs de cette attaque contre la démocratie. Au cœur de cette enquête se trouve un homme : le juge Alexandre de Moraes. Devenu la bête noire de Bolsonaro, ce magistrat intransigeant est déterminé à faire toute la lumière sur une possible conspiration visant à renverser l’ordre constitutionnel. C’est dans le cadre de cette enquête que le scandale le plus dangereux pour l’ancien président a pris forme.
Le scandale du “Coup d’État” : ce que l’on savait déjà
Pendant plus d’un an, les enquêteurs de la police fédérale ont accumulé les indices, dessinant peu à peu les contours d’un complot qui aurait été ourdi au plus haut sommet de l’État. Plusieurs éléments troublants étaient déjà connus du public et des médias comme Le Monde :
- Le “brouillon du coup d’État” : En janvier 2023, la police a découvert au domicile d’Anderson Torres, l’ancien ministre de la Justice de Bolsonaro, un projet de décret. Ce texte prévoyait d’instaurer un “état de défense” sur l’autorité électorale afin d’annuler le résultat de l’élection.
- La réunion filmée : Une vidéo d’une réunion ministérielle de juillet 2022 a été rendue publique. On y voit un Jair Bolsonaro furieux, demandant à ses ministres d’utiliser leurs fonctions pour discréditer le processus électoral avant même qu’il n’ait lieu.
- Les témoignages de chefs militaires : Plusieurs hauts gradés de l’armée et de l’aviation ont déclaré aux enquêteurs avoir participé à des réunions après l’élection, au cours desquelles des plans visant à empêcher l’investiture de Lula ont été discutés.
Ces éléments, bien que graves, laissaient encore une marge d’interprétation. La défense de Bolsonaro a toujours soutenu qu’il s’agissait de “discussions” ou d'”hypothèses” et qu’il n’y avait aucune preuve que l’ancien président ait personnellement ordonné ou planifié une action illégale. Il manquait le “pistolet fumant”, le lien direct et irréfutable entre Bolsonaro et le projet de coup d’État.
Ce lien vient peut-être d’être trouvé.
La révélation choc : le témoignage qui change tout
En juillet 2025, le barrage du secret de l’instruction s’est fissuré. Des extraits de la déposition sous serment de Mauro Cid, l’ancien aide de camp et homme de confiance de Jair Bolsonaro, ont fuité dans les grands médias brésiliens comme O Globo et Folha de S.Paulo. Cid, qui a accepté de collaborer avec la justice en échange d’une éventuelle réduction de peine, a livré un témoignage dévastateur.
Ce n’est plus une question d’interprétation. C’est une accusation directe. Voici les détails choquants qui ont été révélés :
1. La présentation d’un plan détaillé
Selon les fuites, Mauro Cid a affirmé que Jair Bolsonaro a personnellement convoqué plusieurs réunions avec des chefs militaires et des ministres clés dans les semaines qui ont suivi sa défaite. Lors de l’une de ces réunions, l’ancien président aurait présenté un plan d’action détaillé, en plusieurs étapes. Ce plan incluait non seulement le décret d’état de défense, mais aussi des instructions précises pour l’arrestation de juges de la Cour suprême, dont Alexandre de Moraes, et du président du Sénat.
2. La recherche d’un soutien militaire
Le témoignage de Cid décrirait avec précision les efforts de Bolsonaro pour convaincre les commandants des différentes branches de l’armée de soutenir son plan. Il aurait fait valoir que les élections avaient été frauduleuses et que l’armée avait le devoir “patriotique” d’intervenir pour “rétablir l’ordre”. Toujours selon Cid, si certains généraux se sont montrés réticents, d’autres auraient donné leur accord de principe, conditionnant leur participation au soutien de l’ensemble des forces armées.
3. Des preuves matérielles à l’appui
Le plus accablant est que le témoignage de Mauro Cid ne serait pas seulement oral. Il aurait fourni aux enquêteurs des preuves matérielles pour étayer ses dires : des journaux de bord, des brouillons de discours et, surtout, des transcriptions de messages échangés sur des applications cryptées entre les membres du cabinet de crise de Bolsonaro. Ces messages prouveraient l’implication directe de l’ancien président dans l’élaboration de la stratégie putschiste.
L’impact de ces révélations est immense. L’affaire passe d’une enquête sur l’incitation à des émeutes à une enquête sur la planification active et la direction d’une tentative de coup d’État. Les qualifications pénales ne sont plus les mêmes : on parle désormais de crimes contre l’État démocratique de droit, voire de haute trahison. Les peines encourues se comptent en dizaines d’années de prison.
Les conséquences politiques et juridiques d’un scandale majeur
Depuis ces fuites, le climat politique au Brésil est électrique. Les conséquences se font sentir à tous les niveaux.
- Pour Jair Bolsonaro : L’étau judiciaire s’est resserré de manière dramatique. La menace d’une arrestation préventive, qui semblait encore lointaine il y a quelques mois, est devenue une possibilité très réelle. Son passeport a été confisqué depuis longtemps, et ses avocats peinent à contrer des accusations désormais étayées par un témoin clé de son propre cercle intime. Sa stratégie de défense, qui consistait à se présenter comme la victime d’une persécution politique, perd chaque jour de sa crédibilité.
- Pour le “bolsonarisme” : Ce scandale provoque une crise de loyauté au sein de la droite brésilienne. L’aile la plus radicale de ses partisans crie au complot et voit en Cid un “traître”. Mais pour l’aile plus modérée et pour les milieux d’affaires, l’image de Bolsonaro est devenue toxique. Soutenir un homme accusé d’avoir tenté de renverser la démocratie est une ligne rouge pour beaucoup. Le risque est une fragmentation du mouvement, laissant le champ libre à d’autres figures de la droite pour l’élection présidentielle de 2026.
- Pour le gouvernement Lula : Pour le président Lula et son gouvernement, ces révélations sont une aubaine politique. Elles valident entièrement leur discours depuis le 8 janvier 2023 : celui d’une démocratie qui a été sauvée d’un projet autoritaire. Cela renforce leur légitimité et affaiblit considérablement leur principal opposant.
En conclusion, le scandale de la tentative de coup d’État, alimenté par le témoignage explosif de l’homme de confiance de Jair Bolsonaro, n’est pas une affaire de plus. C’est potentiellement l’acte final de la carrière politique de l’ancien président. La bataille a changé de nature. Il ne s’agit plus pour lui de reconquérir le pouvoir, mais d’éviter la prison.
La vérité sur les derniers jours de sa présidence, longtemps cachée derrière les dénégations et la rhétorique populiste, semble enfin émerger, pièce par pièce. Le système judiciaire brésilien, avec la Cour suprême en première ligne, a désormais entre les mains le destin d’un homme qui a marqué l’histoire du Brésil comme peu d’autres avant lui. Les prochaines étapes de cette procédure judiciaire ne détermineront pas seulement le sort de Jair Bolsonaro, mais aussi la résilience et la force de la jeune démocratie brésilienne.

